Vous vous levez et vous vous rendez au travail, un jour comme un autre. Mais lorsque vous arrivez au bureau, à l’usine ou à votre édifice de travail, vous réalisez que la porte avant n’est plus là, mais là-bas. À l’intérieur, le vestibule n’est plus au même endroit, la lumière est différente, plus jaune et fantomatique probablement, et les plantes sont toutes mortes. L’ascenseur est désormais une grande cage d’escalier qui ne mène nulle part. Après un bout de temps, vous croisez un étranger et vous lui demandez comment vous rendre à l’endroit où vous souhaitez aller, mais celui-ci parle un langage que vous ne comprenez pas. Vous répétez et il soupire en pointant différentes directions.
Vous vous rendez dans ces directions jusqu’à ce que vous trouviez votre bureau/usine/édifice de travail, mais lorsque vous y arrivez, il s’agit d’un endroit où vous n’êtes jamais allé encore. Votre chaise est plus grande, plus rigide et les fenêtres sont ornées de rideaux foncés. Il y a des numéros étranges sur le téléphone, c’est un téléphone rotatif, et l’air sent bizarre. Vous ouvrez les rideaux et ce n’est ni Calgary ni Halifax ni Oakville. C’est un autre endroit. Vous croyez qu’il s’agit peut-être de la Russie.
C’est plus ou moins comme cela que les athlètes visiteurs se sentent aux Jeux olympiques de 2014 à Sotchi, tout comme ceux d’Équipe Canada. Même si plusieurs joueurs de hockey ont déjà pris part à des compétitions de l’autre côté de l’océan, cela fait des années que leur vie et leur routine n’a pas changé : déjeuner à 8 h, séance de patinage à 10 h, dîner à 13 h, sieste à 15 h, aréna à 17 h 30. Peut-être un peu différent, mais pas mal ainsi, pour les voyages sur la route. Il est difficile pour nous d’imaginer ce qu’Équipe Canada devra surmonter au cours des dix prochains jours, bien que les tests antidopage peu orthodoxes effectués le jour d’une compétition sur des patineurs artistiques canadiens et que les bobeurs américains sont restés pris dans une salle de bain, puis dans un ascenseur nous donnent un aperçu de ce qui est à venir. C’est comme si l’on vous demandait de faire ce que vous faites en étant suspendu à l’envers dans une salle sombre avec des étrangers qui vous observent. Puis, de le faire encore mieux que jamais. Voilà ce qu’on demande à Équipe Canada 2014.
J’ai regardé la cérémonie d’ouverture des Olympiques de Sotchi sur une chaîne australienne (c’est amusant de cette façon). Lorsque Vladislav Tretiak est arrivé en courant et qu’il a passé une ligne d’hommes et de femmes d’accueil vêtus comme des rejets de Hunger Games, le commentateur, qui lisait un texte, a décrit le vieux gardien de but (et membre du Sénat de Poutine, la Douma) comme étant celui qui avait été élu le « Meilleur joueur de hockey du 20e siècle », ce qui, bien sûr, n’est pas vrai. Il a peut-être été nommé le Meilleur Russe et peut-être même le Meilleur gardien de but, mais aucun vote, du moins qui inclut les Canadiens ou les Nord-Américains, n’a permis d’obtenir ce résultat. Gretzky, je veux bien. Orr, certainement. Je pourrais même vous faire balancer dans le camp de Glen Hall, mais je n’ai pas assez d’espace dans ce texte pour le faire et je m’éloignerais du sujet.
Ce texte, composé par les hôtes russes, nous démontre qu’Équipe Canada est arrivée dans la nation la plus fière et la plus importante de hockey à l’extérieur, ou peut-être pas, du Canada. De cette distance, il est difficile d’évaluer la pression de l’environnement dans lequel se déroule un tournoi, mais les Russes, bien que chaleureux et accueillants en tant qu’hôtes, sont profondément enthousiastes à l’idée d’être les meilleurs au monde dans ce sport. Leur patrimoine, démontré par le fait qu’un joueur de hockey a allumé la flamme olympique, est aussi riche que le nôtre, possiblement moins dense et alors que les équipes de 1972 et 1974 se sont efforcées de taire des politiciens privilégiés de la haute classe, Équipe Canada patinera devant des amateurs bruyants dans un aréna froid contre des joueurs qui ont grandi en jouant pour des équipes dirigées par des vedettes russes.
La première fois que je me suis retrouvé dans le complexe du Dynamo à l’extérieur de Moscou, Andrei Markov nous a fièrement présentés à Alexander Maltsev, qui se retrouvait devant un mur décoré de photos de joueurs vedettes des années 60, 70 et 80. En finale des Olympiques de Vancouver, Gordie Howe était dans les estrades, pour que le karma du hockey penche du bon côté. La même chose pourrait survenir au Palais de glace Bolshoï à Sotchi. Cette fois : Yakushev, Mikhailov, Fetisov, Larionov. Les véritables forces qui ont propulsé le Canada vers la victoire pourraient faire de même pour leurs rivaux de longue date.
Équipe Canada est arrivée aujourd’hui par autobus. C’était presque désarmant de les voir sur la chaussée devant l’autobus, cherchant leur sac sur le bord de la baie, se rassemblant en petits groupes et attendant les instructions. Il y a plusieurs différences entre l'époque de 1972 et aujourd’hui. Entre les steaks manquants et les boissons gazeuses étranges, le poulet peu commun et les téléphones dérangeants au beau milieu de la nuit qui ont affecté les joueurs de 1972 : Esposito, Henderson et Ken Dryden qui prétendaient que le poulet était peut-être du merle noir, que les steaks avaient été volés et remis au Politburo. Mais les ressemblances sont les mêmes : un pays fier qui en affronte un autre avec plusieurs autres grandes équipes. Il reste qu’en 1972, Henderson a compté ce but et qu’en 2014 un autre joueur devra faire de même.