C’est cette semaine que le rêve d’Élizabeth Giguère deviendra réalité.
Pour la toute première fois, la jeune femme fera partie de l’équipe
nationale féminine, qui affrontera les États-Unis lors de la Série de la
rivalité.
Maintenant âgée de 25 ans, Giguère a dû patienter quelques années avant
d’être enfin sélectionnée.
« Je n’étais peut-être pas prête au début, il y a environ cinq ans,
reconnaît la joueuse originaire de Québec. Je me suis toujours dit que si
je continuais à m’améliorer et à travailler sur moi-même, je pouvais croire
en mon rêve. C’est sûr que je n’allais pas abandonner. Même si j’ai 25 ans,
je suis encore dans mes meilleures années. Je suis contente d’avoir ma
chance. »
Tout n’a pas toujours été au beau fixe dans le parcours de l’attaquante.
Plusieurs épreuves se sont dressées devant elle, et ce, dès l’enfance.
Même si ses cousins et cousines avaient réussi à lui donner la piqûre du
hockey, Giguère a néanmoins dû travailler fort pour convaincre ses parents
qu’il s’agissait d’une véritable passion.
« Mes parents ne voulaient pas m’inscrire au hockey parce que ça coûtait
beaucoup d’argent. Mais je voulais vraiment essayer, ça avait l’air
plaisant », raconte celle dont la joueuse préférée n’est nulle autre que
Marie-Philip Poulin. « J’ai commencé à économiser des sous et, à un moment
donné, ma mère m’a demandé pourquoi je faisais ça. Je lui ai répondu que
c’était pour jouer au hockey. Mes parents ont compris qu’ils n’avaient plus
trop le choix! J’ai commencé à jouer au hockey l’année suivante, et j’ai
tout de suite aimé ça, même si je n’étais pas vraiment bonne. »
C’est dans des équipes composées majoritairement de garçons que Giguère a
disputé ses premières saisons, avant de se joindre aux filles aux niveaux
M15 et M18, avec les Citadelles de Québec.
Après avoir joué pour le Cégep de Limoilou pendant trois ans au cours
desquelles elle a remporté un championnat, un titre de Joueuse par
excellence, un titre de Recrue de l’année en plus de terminer au premier
rang des pointeuses de son équipe à deux reprises, la joueuse devait
maintenant décider à quelle université s’inscrire.
Rapidement, l’Université Clarkson est devenue l’option privilégiée par la
famille au grand complet.
« C’était difficile au début, car je ne voulais pas quitter le Québec »,
admet Giguère, qui a précédemment représenté le Canada au Mondial féminin
des M18 en 2015 ainsi qu’à la Coupe des nations en 2017. « Je ne savais pas
parler anglais. Je ne voulais pas aller loin de chez moi. Mes parents m’ont
encouragée à y aller pour apprendre l’anglais. Comme ce n’était qu’à cinq
heures de route, je suis allée visiter l’Université Clarkson, et j’ai
vraiment aimé ça! C’est une petite école, et les membres du personnel m’ont
rassurée en me disant qu’ils allaient m’aider. Le hockey est aussi très bon
là-bas. »
À sa première saison, en 2017-2018, Clarkson est parvenue à atteindre le
Championnat national universitaire américain (Frozen Four). Lors de la
finale, c’est Giguère qui a joué les héroïnes en marquant le but vainqueur
en prolongation.
Giguère est devenue l’une des meilleures joueuses du hockey universitaire;
elle a notamment été nommée deux fois à la première équipe des étoiles
américaines, de même que Recrue de l’année et Joueuse par excellence de
l’année de l’ECAC. Elle a également été la meilleure pointeuse des Golden
Knights lors de trois saisons consécutives et la meilleure pointeuse de la
NCAA. De plus, en 2019-2020, elle a reçu le prix Patty-Kazmaier remis à la
meilleure joueuse du hockey féminin de la NCAA.
Après quatre saisons à Clarkson, dont la dernière à titre de capitaine de
l’équipe, Giguère trônait au sommet des meilleures pointeuses de l’histoire
de l’établissement grâce à ses 233 points récoltés en 137 matchs (99 buts
et 134 mentions d’aide).
En raison de la pandémie, Giguère a pu disputer une cinquième saison dans
la NCAA avec l’Université du Minnesota à Duluth, avec qui elle a atteint la
finale du tournoi national pour une deuxième fois tout en étant nommée à la
deuxième équipe des étoiles américaines.
Cette année supplémentaire lui a permis de totaliser 295 points en carrière
dans la NCAA, ce qui lui vaut le sixième rang dans l’histoire du circuit.
« Mon meilleur souvenir, c’est probablement d’avoir gagné le Championnat
national universitaire américain », affirme celle qui avait aussi marqué un
but en prolongation lors des quarts de finale du tournoi. « C’est assez dur
à battre. Les dernières années où j’ai été capitaine ont plutôt été
difficiles pour tout le monde, parce qu’on était en pleine pandémie, mais
je n’y changerais absolument rien. Je vais aussi me souvenir toute ma vie
de mon année à l’UMD. C’est l’une des plus belles années de ma vie. On
s’est rendues en finale, et ça aurait été formidable de remporter un autre
titre national. »
Ces années passées chez nos voisins du sud ont aussi façonné ce qu’est
devenue Élizabeth Giguère.
Que ce soit en tant que hockeyeuse ou tout simplement en tant que personne,
elle ne regrette aucunement sa décision d’y être allée, puisqu’elle prend
conscience que sa vie a changé en mieux.
« Sur une échelle d’un à dix, j’étais à un au tout début et je suis
maintenant rendue à dix », estime celle qui joue désormais pour le Pride de
Boston dans la Premier Hockey Federation. « C’est incroyable! Je ne parlais
aucun mot d’anglais, j’étais gênée et très réservée. J’ai vraiment grandi
en tant que personne. Je suis plus mature, et maintenant bilingue. Comme
joueuse de hockey, j’ai appris un tas de choses avec mes entraîneurs à
Clarkson. J’ai ensuite pu découvrir une autre perspective avec
Minnesota-Duluth, ce qui m’a permis d’en apprendre davantage. »
Hormis Boston, le prochain chapitre de la carrière de Giguère s’écrira dans
l’ouest du continent avec le Canada.
S’il s’agit de la première présence de la joueuse avec l’équipe nationale
féminine, l’entraîneur-chef de la formation, Troy Ryan, suit ses
performances depuis un certain temps.
« Je me rappelle qu’elle avait déjà participé à l’un de nos camps
préparatoires à Halifax en vue du Mondial féminin », se rappelle Ryan, qui
est à la barre de l’équipe depuis l’été 2019. « Au camp estival en août
dernier, nous l’avons trouvée très bonne. Elle semblait confiante et à
l’aise. Nous nous sommes mis à la suivre davantage. Nous la suivions déjà,
mais nous avons vraiment aimé ce qu’elle nous a montré au camp en août. »
Et quoi de mieux que d’affronter les États-Unis en guise de baptême de feu
avec la formation canadienne?
« Le fait que la Série de la rivalité se déroule quelques semaines
seulement après le Championnat mondial féminin nous permet de renouveler
les fondations de notre programme, renchérit l’entraîneur d’expérience.
Nous trouvions donc qu’il s’agissait d’un moment idéal pour elle de
disputer des matchs face aux Américaines. Elle est évidemment une joueuse
très talentueuse qui aime créer des occasions à l’offensive. Nous allons
essayer de lui donner autant d’informations que possible tout en la
laissant se guider par son instinct. »
Après seulement quelques jours passés en compagnie des autres joueuses de
l’équipe, Élizabeth Giguère est déjà bien consciente de l’importance de ces
trois matchs, autant collectivement qu’individuellement.
« C’est très important de battre les Américaines, conclut Giguère. Dans mon
cas, ce sera mon premier vrai match face aux États-Unis. On peut voir à la
télévision comme ça peut devenir intense, j’ai hâte de vivre ça. Je devrai
beaucoup observer pour apprendre les systèmes de jeu, le fonctionnement de
l’équipe, et tout ça. Ça ne me stresse pas, j’aime apprendre. J’ai déjà
appris beaucoup de trucs après seulement quelques entraînements. Je vais
simplement jouer au hockey en espérant que tout se passe bien. »