Danielle Goyette a commencé à jouer au hockey sur les patinoires
extérieures de Saint-Nazaire, au Québec. Regarder les matchs des Canadiens
de Montréal était sa seule façon de prendre des trucs d’entraînement. Elle
étudiait leurs joueurs, puis elle allait dehors pour s’exercer. Elle jouait
chaque jour, du moment que le lac gelait jusqu’à ce que la température se
réchauffe.
Elle a dû attendre à l’âge de 15 ans avant de disputer un premier match au
hockey organisé. L’équipe jouait chaque mercredi avec un groupe de filles
dont l’écart d’âge était de 30 ans, davantage pour le plaisir que pour la
compétition. Elle a fait son entrée au hockey compétitif au début de la
vingtaine. Peu de temps après, en 1991, l’équipe nationale féminine du
Canada l’a invitée à son camp d'entraînement.
Une carrière de 15 ans sur la scène internationale l’attendait. Goyette a
récolté 219 points et remporté deux médailles d’or olympiques, en plus de
huit médailles d’or au Championnat mondial féminin de l’IIHF.
Son parcours n’a pas été simple et direct.
Malgré n’avoir bénéficié d’aucun entraînement formel, Goyette a facilement
fait la transition vers un plus haut niveau de jeu. Sa capacité d’analyse
et d’adaptation lui a permis de démontrer ses habiletés. Son plus gros défi
était la communication.
« En vivant au Québec, je n’avais pas besoin de l’anglais », confie
Goyette. « De 1992 à 1996, quand je revenais à la maison, je sentais que je
manquais tellement de choses à propos de mon expérience avec l’équipe. »
Elle était épuisée sur le plan émotionnel de ne pas comprendre ce qu’on lui
disait. « Pendant des années, je me plaçais à l’arrière de la file dans les
exercices, je regardais ce qui se passait et j’imitais les joueuses devant
moi. »
Avec le hockey féminin qui faisait son entrée aux Jeux olympiques de 1998,
Goyette savait qu’elle devrait déménager à Calgary pour la centralisation.
Elle s’est rendue à l’ouest au mois d’août 1996. « Je me suis dit que j’y
allais pour une saison. J’essaierais d’apprendre l’anglais avant de revenir
à la maison ». À la place, elle n’est jamais repartie. « Cette décision a
changé ma vie. Aujourd’hui, je vis en anglais. »
Goyette a inscrit le tout premier but du Canada aux Jeux olympiques au
match d’ouverture face au Japon, obtenant un tour du chapeau dans ce duel.
Elle a terminé le tournoi au sommet de la colonne des meilleures buteuses
avec huit. Perdre au match pour la médaille d’or face aux États-Unis à
Nagano a brisé le cœur des joueuses, selon ses dires, mais ce revers a
également rendu l’équipe meilleure.
Goyette ne savait pas si elle allait obtenir une deuxième chance quatre ans
plus tard. En 2001, elle a subi une chirurgie à l’épaule et elle était
préoccupée par sa condition physique. Avant les Jeux, les Canadiennes ont
perdu huit matchs de suite contre les Américaines. Cependant, elles ont
stoppé leurs adversaires au moment le plus important et ont remporté l’or.
Goyette a terminé en tête des meilleures pointeuses de son équipe avec 10
points.
« Quand tu obtiens cette médaille, tu te souviens des moments les plus
difficiles que tu as vécus », dit-elle. « C’est ce qui rend une telle
conquête aussi spéciale. Tu ne penses pas aux bons moments, mais bien à
l’adversité à laquelle tu as fait face pour te rendre là. »
En 2006, Goyette était la porte-drapeau du pays à la cérémonie d’ouverture.
« Je dis que c’était la concrétisation d’un rêve, mais ce n’est pas
vraiment quelque chose auquel tu rêves quand tu t’entraînes. » Moins de
deux semaines plus tard, elle a remporté sa deuxième médaille d’or
olympique.
La dernière apparition de Goyette avec l’équipe nationale a été au
Championnat mondial féminin 2007 de l’IIHF à Winnipeg. �� Je voulais que mes
amies et ma famille puissent me voir jouer une dernière fois »,
raconte-t-elle. « J’ai aimé chaque journée de ce tournoi. J’avais 41 ans,
mais je me sentais comme si j’en avais 26. »
À trois ans des Jeux de Vancouver, Goyette se demandait encore si elle
voulait jouer quand elle a reçu une offre intrigante : le poste
d’entraîneure-chef de l’équipe de hockey féminin de l’Université de
Calgary.
« Je ne crois pas que j’avais la personnalité pour devenir entraîneure-chef
», admet-elle. « Je pensais me diriger vers la rénovation – acheter une
maison, la rénover, me lancer en affaires – mais continuer de rester active
dans le sport dans un rôle d’entraîneure adjointe.
« Mais en me rapprochant de la retraite, je me suis dit que j’allais tenter
ma chance. » « Si je n’essaie pas, je ne le saurai jamais. »
Elle s’est alors lancée dans son nouveau rôle. Elle a trouvé des mentors
provenant du domaine de l’entraînement au hockey et dans d’autres sports.
Elle a pris des idées de ses anciens entraîneurs.
Il était important qu’elle reste liée au hockey.
« Être active dans le sport a changé ma vie », témoigne Goyette.
Autrefois timide et calme, elle peut maintenant entrer dans une salle et se
présenter à des gens qu’elle ne connaît pas. Le sport, selon elle,
représente la meilleure école de vie. Tu apprends à respecter ce que chacun
apporte, à te pousser les journées où tu n’es pas au sommet de ta forme et
à grandir dans l’adversité.
« Je sais à quel point j’ai changé en tant que personne et ce que le hockey
m’a apporté. » Je veux que celles qui jouent pour moi vivent la même
expérience. Je veux qu’elles progressent sur le plan individuel. »
Goyette a été entraîneure adjointe de l’équipe nationale féminine des moins
de 18 ans du Canada au Championnat mondial féminin des M18 2008 et 2009 de
l’IIHF.
Marie-Philip Poulin, aujourd'hui une double médaillée d’or olympique, a
participé à ces deux éditions de ce tournoi.
« Je me souviens après la finale [en 2009] – nous venions de subir une
défaite difficile – Danielle m’a mise de côté pour aller marcher avec elle
», se souvient Poulin. « Elle a vraiment mis les choses en perspective et
elle m’a appris beaucoup de choses durant cette marche. »
Poulin a grandi en regardant Goyette et France St-Louis et « le fait
d’avoir des pionnières comme elle qui ont pavé la voie m’a aidée à croire
en moi et à rêver d’un jour faire partie de l’équipe nationale. »
Poulin porte aujourd'hui le « C » à titre de capitaine et elle se souvient
encore des mots de Goyette.
« Elle m’a enseigné à toujours me pousser », confie Poulin. « Ce ne sera
pas facile des fois, mais pousse tes limites et rend les autres autour de
toi meilleures. Elle m’a appris à un jeune âge à devenir une bonne chef de
file. »
Goyette a mené l’Université de Calgary au Championnat national du SIC en
2011-2012. Elle a été une entraîneure adjointe aux éditions 2012 et 2013 du
Championnat mondial féminin de l’IIHF, de même qu’aux Jeux olympiques
d'hiver de 2014, remportant une troisième médaille d’or sur la plus grande
scène du sport.
Pendant ce temps, elle a commencé à recevoir des honneurs à l’extérieur de
la patinoire : intronisation au Temple de la renommée de la Fédération
internationale de hockey sur glace en 2013 et au Panthéon des sports
canadiens en 2015, en plus d’une nomination à l’Ordre du hockey au Canada
en 2018.
L’an dernier, elle est devenue la cinquième femme intronisée au Temple de
la renommée du hockey.
« C’est incroyable de voir ça », lance Poulin. « Ça nous fait rêver en tant
que joueuse et que petite fille que peut-être un jour, ce sera notre tour.
»
Goyette a joué au hockey pour l’amour de ce sport, non pas pour gagner des
médailles et faire le tour du monde. C’est seulement en vieillissant
qu’elle a réalisé l’impact qu’elle a eu sur les autres.
« Je prends cela au sérieux aujourd’hui parce que j’ai été inspirée par
d’autres personnes, non seulement au hockey, mais dans la vie »,
explique-t-elle. « Je pense que tout le monde a besoin d’un modèle et si je
peux aider une personne, j’ai fait mon travail. »